10/10/15 - 30/11/15

avec : Amaury Daurel, Victor Delestre, Thea Djordjadze, Vincent Knopper et Estrid Lutz & Emile Mold


Everything you need to bring bathrooms to a shine se concentre sur l’emprise et la fascination qu’engendre le mode de production industriel sur nos consciences et notre rapport au monde, tant au niveau pratique que symbolique dans l’espace domestique.
Près de 200 ans après les premiers soubresauts de la révolution industrielle, l’homme moderne s’est habitué à voir, désirer, acheter et consommer des produits issus directement de machines et de technologies de pointe, dont les caractéristiques sont à moindre exception toujours identiques et à très grande échelle. Un gigantesque bouleversement du rapport aux objets aux images et au monde, dont les conséquences sont encore peu mesurables.
Les produits industriels, les « fantasmagories » comme disait W. Benjamin, contiennent ainsi quelque chose de magique, à la fois rassurant et inquiétant. Comme des petits miracles ils révèlent de moins en moins de traces ou d’indices quant à leur fabrication, ils se montrent dociles et propres, disponibles et efficaces comme de presque parfaits servants. Et mieux, les réfrigérateurs, télévisions, voitures et autres meubles par leur brillance flattent notre ego, nous renvoyant indéfiniment notre image dès que nous les approchons, comme pour souligner silencieusement qu’ils sont à notre image, faits pour nous individus.
Malgré la production de marchandises en série et donc l’uniformisation et la standardisation, l’appareil publicitaire, ou encore l’appareil d’exposition est parvenu à transfigurer ces répétitions du même en objets uniques, faites pour nos désirs et fantasmes individuels, du standard singulier.
Ces denrées industrielles aux caractéristiques bien spécifiques induisent un paradoxe : leur faible durée de vie ainsi que leur renouvellement permanent dû au rapide progrès technologique produisent finalement une forme de détachement de l’objet de la part des consommateurs, une société quasi non-matérialiste, s’attachant moins à ses biens, sachant qu’il y aura toujours mieux. Pourtant le fétichisme virtuel voué à la représentation de ces mêmes biens contredit quelque part l’interprétation précédente. Ce qu’il en ressort visiblement c’est un rapport aux objets virtualiste.
L’idée selon laquelle l’espace domestique est pensé comme un des derniers bastions garants de l’identité et de l’intimité semble bien difficile à tenir. Non seulement l’imagerie commerciale propose et souligne des usages, des fonctions, des manières de faire qui participent de notre intimité mais dans la possession même de ces objets se concrétise un étrange glissement de terrain.
Il se produit une forme de dépossession de nos moyens d’agir, d’user et de réparer. Une dépossession par la possession.

L’exposition Everything you need to bring bathrooms to a shine rassemble ainsi une sélection d’artistes dont les pratiques respectives invoquent ces rapports virtualiste et fantasmagorique aux objets, ils remettent en question la possibilité d’user.
Si ces artistes adoptent des codes et des vocabulaires propres à l’imagerie industrielle ou encore des objets issus directement de celle-ci, ces reprises sont complexes, oscillant entre imitation, hommage, parodie sérieuse et destruction. Il s’agirait davantage d’une forme de fascination qui n’entraîne pas pour autant la défaite d’une relecture vers d’autres usages, mais qui au contraire tend vers de joyeuses profanations. L’idée même du faire avec.
De manières différentes à chaque fois, les travaux présentés pour Everything you need to bring bathrooms to a shine soulignent la part défectueuse de ces fantasmagories industrielles, pas essentiellement matérielle mais quelque part idéale.
Les pièces évoquent non seulement une revanche de l’usage face à des fonctions préfabriquée mais aussi la revanche des objets industriels qui prennent vie et deviennent conscient de leur condition.
Tels que les vases et récipients anthropomorphiques des civilisations pré-colombiennes le soulignaient, nos objets nous composent autant que nous les composons et ils sont à notre image autant que nous sommes à la leur. Ces vases semblent dire silencieusement que comme nous ils sont des contenants potentiellement disponibles à différents contenus.
EVERYTHING YOU NEED TO BRING BATHROOMS TO A SHINE